La transition vers des transports en commun plus durables est devenue une priorité pour de nombreuses villes et pays. Cet article examine les aspects juridiques et réglementaires qui encadrent cette évolution cruciale pour l’environnement et la qualité de vie urbaine.
Le cadre législatif européen
L’Union européenne joue un rôle moteur dans l’élaboration de normes pour des transports plus écologiques. La directive 2009/33/CE relative à la promotion de véhicules de transport routier propres et économes en énergie impose aux autorités publiques de prendre en compte les impacts énergétiques et environnementaux lors de l’achat de véhicules de transport. Cette directive a été renforcée en 2019 pour accélérer l’adoption de véhicules à faibles et zéro émissions dans les flottes publiques.
Le Pacte vert pour l’Europe, lancé en 2019, fixe l’objectif ambitieux de réduire de 90% les émissions de gaz à effet de serre liées aux transports d’ici 2050. Pour atteindre cet objectif, la Commission européenne a proposé en 2021 le paquet « Fit for 55« , qui comprend plusieurs mesures législatives visant à décarboner le secteur des transports, notamment en renforçant les normes d’émissions de CO2 pour les véhicules neufs.
La législation française en faveur des transports durables
En France, la loi d’orientation des mobilités (LOM) de 2019 constitue un tournant majeur dans la politique des transports. Elle fixe l’objectif de mettre fin à la vente de véhicules utilisant des énergies fossiles d’ici 2040 et encourage le développement des mobilités actives et partagées. La loi impose également aux autorités organisatrices de la mobilité d’élaborer des plans de mobilité tenant compte des enjeux environnementaux.
La loi Climat et Résilience de 2021 renforce ces dispositions en créant des zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m) dans les agglomérations de plus de 150 000 habitants d’ici 2025. Ces zones visent à restreindre la circulation des véhicules les plus polluants, incitant ainsi au report modal vers les transports en commun et les mobilités douces.
Les incitations financières et fiscales
Pour encourager l’adoption de véhicules propres dans les flottes de transport public, les pouvoirs publics ont mis en place diverses incitations financières. Le bonus écologique et la prime à la conversion s’appliquent également aux véhicules lourds électriques ou à hydrogène utilisés pour le transport en commun. De plus, les collectivités territoriales peuvent bénéficier de subventions pour l’acquisition de bus électriques ou à hydrogène dans le cadre du plan France Relance.
Sur le plan fiscal, les véhicules à faibles émissions bénéficient d’un régime d’amortissement accéléré, permettant aux entreprises de transport de réduire leur charge fiscale. La taxe sur les véhicules de société (TVS) est également modulée en fonction des émissions de CO2, incitant les entreprises à opter pour des flottes plus propres.
Les obligations pour les opérateurs de transport
La législation impose des obligations croissantes aux opérateurs de transport en commun en matière de durabilité. La loi de transition énergétique pour la croissance verte de 2015 oblige les exploitants de flottes de plus de 20 véhicules à intégrer une part minimale de véhicules à faibles émissions lors du renouvellement de leur parc. Cette part est progressivement augmentée, avec l’objectif d’atteindre 100% de véhicules à faibles émissions pour les bus urbains d’ici 2025.
Les opérateurs sont également tenus de fournir des informations sur l’impact environnemental de leurs services. La loi d’orientation des mobilités impose aux autorités organisatrices de la mobilité de publier annuellement les émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques générées par les déplacements sur leur territoire.
Les défis juridiques de l’innovation dans les transports durables
L’émergence de nouvelles solutions de mobilité durable pose des défis juridiques inédits. L’expérimentation de véhicules autonomes dans les transports en commun, par exemple, nécessite un cadre réglementaire adapté. La loi PACTE de 2019 a ouvert la voie à ces expérimentations, mais de nombreuses questions restent en suspens concernant la responsabilité en cas d’accident ou la protection des données personnelles des passagers.
Le développement des services de mobilité partagée (vélos, trottinettes en libre-service) soulève également des questions juridiques, notamment en termes d’occupation de l’espace public et de responsabilité. Les collectivités locales sont amenées à élaborer des réglementations spécifiques pour encadrer ces nouveaux modes de déplacement et les intégrer harmonieusement dans l’offre de transport public.
La dimension internationale de la législation sur les transports durables
La lutte contre le changement climatique étant un enjeu global, la législation sur les transports durables s’inscrit dans un cadre international. L’Accord de Paris sur le climat de 2015 engage les pays signataires à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, ce qui implique nécessairement une transformation du secteur des transports.
Au niveau mondial, l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) a adopté en 2016 le système CORSIA (Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation) visant à stabiliser les émissions de CO2 de l’aviation internationale. Bien que ce système ne concerne pas directement les transports en commun urbains, il illustre la tendance à une régulation internationale des émissions du secteur des transports.
Perspectives d’évolution de la législation
La législation sur les transports en commun durables est appelée à évoluer rapidement dans les années à venir pour répondre aux défis environnementaux et aux innovations technologiques. On peut s’attendre à un renforcement des obligations en matière de performance environnementale des véhicules, avec potentiellement l’introduction de quotas plus stricts pour les véhicules zéro émission.
La question de l’intermodalité et de l’intégration des différents modes de transport durables (train, métro, bus, vélos partagés) dans une offre cohérente devrait également faire l’objet de nouvelles dispositions législatives. L’objectif serait de faciliter les déplacements multimodaux et d’optimiser l’efficacité énergétique globale du système de transport.
Enfin, le développement de l’économie circulaire dans le secteur des transports pourrait donner lieu à de nouvelles réglementations concernant le recyclage des véhicules en fin de vie et l’utilisation de matériaux durables dans la construction des infrastructures de transport.
La législation sur les transports en commun durables est un domaine en constante évolution, reflétant l’urgence de la transition écologique. Elle combine des objectifs ambitieux de réduction des émissions avec des mesures concrètes pour transformer le parc de véhicules et les pratiques de mobilité. L’enjeu pour les années à venir sera de concilier l’efficacité environnementale avec les impératifs de service public et d’accessibilité des transports en commun.